Née en 1930 à Bruxelles d’un père français et d’une mère belge, c’est dans l’immédiate après-guerre – au moment où ses parents se séparent et quittent la Belgique, la laissant à la garde d’une tante – que Nicole Boulanger déclare sa vocation et va étudier, encore adolescente, à la Cambre. Elle y suit l’enseignement plastique et philosophique du peintre communiste Charles Counhaye, étudiant la peinture monumentale, le vitrail et la tapisserie. Elle réalisera quelques peintures murales, mais aucun vitrail ni tapisserie, qui resteront à l’état de projets. Le principal de son oeuvre sera constitué de peintures de chevalet (majoritairement sur le motif, et à l’huile), et d’œuvres sur papier, en particulier des dessins au trait – feutre ou encre de Chine. Ses premières œuvres sont volontiers allégoriques.
En 1949, elle épouse l’architecte Jacques Van Malderghem, de douze ans son aîné. Ils partent pour le Canada deux ans plus tard, avec leur premier enfant, et vivront à Montréal pendant quatre ans. Mais l’accès à la profession n’est pas évident pour l’architecte venu d’Europe, et Nicole Boulanger, qui va y avoir deux autres enfants, n’y trouve guère plus de travail. Elle réalise une fresque, a quelques commandes de portraits, et fera au Canada ses premières expositions (à la galerie Agnès Lefort, et dans son propre appartement). Par économie et par goût, elle vit quand le climat le permet, souvent seule avec les enfants, dans des maisons rustiques que le couple loue près du lac Memphrémagog. Elle y peint une impressionnante série de peintures qui feront l’objet de deux expositions au Canada. Ces toiles dont l’esthétique « enlevée » doit à leur technique très particulière – la peinture à l’huile très diluée, étalée sur papier toilé, est ensuite « gravée » avec le manche du pinceau – voient l’artiste se concentrer principalement sur la représentation de son environnement: son appartement à Montréal, les alentours du lac Memphrémagog où elle séjourne, ses enfants qui jouent à ses côtés. C’est peut-être à travers cette pratique, dont la liberté interpelle, et loin de l’école qu’elle a quittée sans y terminer ses études, qu’elle s’invente en tant qu’artiste.
Le couple revient à Bruxelles un peu meurtri par l’expérience canadienne. L’année de son retour, Nicole Boulanger expose à la galerie « Au cheval de verre », dirigée par Mady Purnode, une cinquantaine de peintures qu’elle a ramenées du Canada, sous le titre de « Canada 1955 ». Elle collabore ensuite aux projets de son époux – notamment en réalisant une fresque pour l’entrée d’un immeuble moderniste qu’il conçoit à Bruxelles, la “résidence Clarté”. Leur quatrième enfant naît en 1956. Soucieuse d’acquérir une autonomie financière, et ses tentatives de dessin industriel rencontrant un succès limité, Nicole Boulanger commence à enseigner les arts plastiques, d’abord à Notre Ecole, puis à partir de 1962 au Lycée français de Belgique, où elle sera professeur jusqu’en 1992. Nicole commence à vivre une vie indépendante de son mari, retrouve ses camarades de La Cambre, s’en fait de nouveaux dans le milieu bohème « beatnik » qui émerge à ce moment à Bruxelles, reprend quelques mois ses études inachevées… et doit interrompre à nouveau, enceinte d’un dernier enfant conçu avec le poète et critique d’art Benoit Braun, avec qui elle a vécu une brève passion. Elle n’a cessé de peindre depuis son retour du Canada, notamment dans la maison de campagne au confort spartiate où elle se réfugie volontiers avec ses enfants, dans le village de Samart, près de Philippeville. En 1964, ce ne sont pas moins de quarante-cinq toiles récentes qu’elle expose à la galerie L’Angle aigu. L’année suivante, elle quitte avec toiles et pinceaux la maison conjugale pour vivre avec ses cinq enfants à Uccle (Bruxelles), non loin du lycée où elle enseigne.
Cette nouvelle indépendance et un mode de vie plus libre (même si économiquement rude) vont de pair avec de nouvelles explorations plastiques. Influencée par son dialogue avec Benoit Braun, et par son expérience d’enseignante, où elle transmet les principes du Bauhaus, l’artiste cherche une économie de moyens picturaux, parfois à la frontière de l’abstraction. Elle réalise aussi de 1966 à 1970 des « dessins automatiques » proches de l’Op Art – tout en continuant de réaliser des nus très épurés. En 1969, elle part vivre à la lisière de la forêt à la périphérie de Bruxelles, à Linkebeek: elle ne quittera plus cet endroit que pour de brefs séjours ailleurs (qui seront toujours l’occasion de nouvelles peintures). Sa maison plus que jamais est hospitalière et accueille de nombreux invités, dans la dynamique du mouvement hippie, qu’elle accompagne sans en faire tout à fait partie. Elle rencontre alors celui qui sera son compagnon désormais, l’artisan du métal et musicien Daniel Bogaerts, dit Daniel Le Lange. Celui-ci, de quinze ans son cadet, va d’ailleurs apparaître dans plusieurs œuvres qu’elle réalise à ce moment, au caractère symbolique et onirique, marqué par la pensée de Jung et de Gaston Bachelard.
Mais elle continue à peindre sur le motif, notamment son cadre de vie qui est son premier sujet, dans une recherche de spontanéité qui simplifie les représentations. Ceci va créer une forme de malentendu autour de son travail, qu’on qualifie alors volontiers de « naïf ». Elle va traverser les années 1970 sur ce malentendu, exposant régulièrement, dans des galeries « commerciales » ou pour des expositions d’ensemble, et à partir de 1982, souvent à la « Ferme Holleken », le petit centre culturel logé dans une ancienne ferme à quelques centaines de mètres de chez elle, où elle organise elle-même ses expositions. Sa production est importante, et quoique bientôt détachée du système de marché de l’art, elle se vend et se diffuse beaucoup (ses catalogues et listes permettent d’identifier près de 600 œuvres, qui se trouvent aujourd’hui en Europe, mais aussi en Amérique du Nord et du Sud).
Les années 1970 et 1980, si elles voient l’artiste se détacher du système commercial, sont aussi pour elle occupées par d’autres défis, artistiques ou personnels. Elle écrit une histoire pour adolescents, Les Voyages inventés, qui ne sera pas publiée, mais dont le premier volet donnera lieu à un enregistrement audio, sur des musiques de son compagnon, où joueront ses amis acteurs, et dont elle sera la narratrice. Elle réalise deux fresques à Bruxelles, dont l’une, Une journée dans la forêt, transporte son univers dans le quartier alors sinistré de la Gare du Nord. La transformation de sa maison avec son compagnon, ses enfants et ses amis, à partir de matériaux de récupération, n’est pas la moindre de ses réalisations.
Au fur et à mesure des années, la facture picturale se fait plus précise. Après avoir arrêté d’enseigner au Lycée français, elle enseigne encore en privé… ou, brièvement, dans un centre d’asile pour personnes migrantes. Elle s’initie aussi à la sculpture: ses terres cuites, proches de son œuvre peint dans leur recherche de formes archétypales, seront exposées en 1993. Cette expérience de la sculpture jouera sûrement dans le caractère plus affirmé et presque monumental de ses dernières œuvres, dans les années 1990-2000.
Certains motifs liés directement à son cadre de vie sont récurrents tout au long de sa vie: les lessives mises à sécher, le jardin d’hiver, les fenêtres, la forêt-cathédrale… Cette récurrence des motifs se systématise sur la fin, pour une série de natures mortes, où elle choisit des objets différents qu’elle rassemble toujours dans un même cadre (une table devant une fenêtre, dans son atelier), durant plusieurs années entre 1999 et 2007.
Elle meurt en octobre 2007 des complications d’un cancer diagnostiqué quelques mois auparavant. Son exposition programmée quelques jours après sa mort est maintenue – elle aura eu le temps de valider les titres des œuvres et l’affiche de l’exposition avant que son état n’empire. Elle est inhumée à quelques pas de la salle d’exposition, au cimetière de Linkebeek. La cérémonie d’adieu réunit une centaine d’amis, d’anciens élèves et d’admirateurs de l’artiste, et de la femme: son mode de vie indépendant, sa joie communicative et son empathie ont marqué plusieurs générations.